Métrique en Ligne
ROD_2/ROD126
Georges RODENBACH
Les Vies Encloses
1896
LE SOIR DANS LES VITRES
IX
Le soir quotidien descend 8
Dans les vitres qu'il décompose ; 8
On y voit s'évanouissant 8
Comme un encens sur une rose. 8
5 C'est un funèbre et bref conflit 8
Dans les vitres, lasses d'attendre. 8
Enfin le destin s'accomplit, 8
Pauvres vitres pleines de cendre… 8
Et le soir qui manigançait 8
10 Dans la demeure enfin pénètre. 8
Ombre unanime déjà ! C'est 8
Comme une mort dans la fenêtre. 8
C'est la fin d'un règne ; ou c'est-il 8
Un pressentiment de veuvage, 8
15 Un apprentissage d'exil, 8
Un commencement d'hivernage ? 8
Soir affligeant ! On sent enfin 8
Qu'on est trop seul, qu'on ne vit guère, 8
Humain à peine et trop divin ! 8
20 Et que l'Art est un reliquaire 8
Où l'on enclôt son cœur vivant 8
Dans un tombeau de pierreries. 8
Ah ! vivre ! le soleil, le vent, 8
La mer, les arbres, les prairies ; 8
25 Les lèvres et les seins aussi ! 8
Un amour, un but, un calvaire ! 8
Pas toujours ce destin transi, 8
Cette solitude sous verre. 8
Mais n'est-on pas ainsi déjà 8
30 — Espoir de gloire moins précaire ! — 8
Le saint qui pour soi s'ouvragea 8
De son vivant, un reliquaire ? 8
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