Métrique en Ligne
ROD_1/ROD84
Georges RODENBACH
Le Règne Du Silence
1891
DU SILENCE
IV
Seuls les rideaux, tandis que la chambre est obscure, 12
Tout brodés, restent blancs, d'un blanc mat qui figure 12
Un printemps blanc parmi l'hiver de la maison. 12
Sur les vitres, ce sont des fleurs de guérison 12
5 Pareilles dans le soir à ces palmes de givre 12
Que sur les carreaux froids les nuits d'hiver font vivre. 12
Et dans ces floraisons de guipure on croit voir 12
Tous les souvenirs blancs parmi le présent noir; 12
Ce sont les rideaux clairs du berceau ; c'est la bonne 12
10 Aïeule aux cheveux blancs en bandeaux de madone; 12
Ce sont les grands jardins d'enfance où les pommiers 12
Étaient poudrés ; ce sont les cierges coutumiers 12
Et les nappes d'autel pour les communiantes ; 12
C'est l'hostie aux lys purs de leurs lèvres priantes ; 12
15 Puis c'est le clair de lune épars comme du lait 12
Dans la forêt magique où l'art nous appelait 12
Parmi sa gloire et ses blancheurs éternisées ! 12
Puis la guirlande en fleur au front des épousées 12
Dont l'espoir doux se fane irréparablement 12
20 Parmi cette blancheur vaporeuse qui ment. 12
Car le leurre est rapide en cette ombre équivoque, 12
Et tous les autres blancs du passé qu'on évoque 12
Vont se faner avec les souvenirs d'amour 12
Quand descendra dans les rideaux la mort du jour. 12
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