Métrique en Ligne
ROD_1/ROD52
Georges RODENBACH
Le Règne Du Silence
1891
CLOCHES DU DIMANCHE
V
Tel dimanche pour moi s'embaume de la voix 12
Des soprani, s'ouvrant comme une cassolette 12
Dans quelque église. Ô voix doucement aigrelette ; 12
Chant comme tuyauté, comme raide d'empois, 12
5 Évoquant des rochets plissés de séminaires. 12
Tout à coup l'orgue exulte et roule ses tonnerres 12
Puis se tait ; et le chant des soprani reprend, 12
Chant frêle, chant mouillé parmi la vaste église, 12
Montant dans le silence et le réfrigérant 12
10 De son mince jet d'eau qui se volatilise… 12
L'orgue encor recommence à hisser ses velours 12
Qui s'éployent à grands plis sonores dans l'abside ; 12
Puis un autre motet frêlement se décide 12
Et s'entr'aperçoit vague entre les piliers lourds. 12
15 Oh ! Si vague, on dirait un cierge qui s'allume ; 12
Ce n'est pas un oiseau ; c'est à peine une plume 12
Qui vacille dans le vent doux des encensoirs… 12
Et l'orgue de nouveau hisse ses velours noirs. 12
Or en les entendant, ces voix insexuelles, 12
20 On songe aux vieux tableaux, on songe aux chérubins 12
Qu'en des assomptions les primitifs ont peints, 12
Des chérubins n'ayant qu'une tête et des ailes, 12
Enfants-fleurs d'un jardin quasi-religieux, 12
Envolement de lis devenant des colombes… 12
25 Ah ! Ces chants d'innocence, et si contagieux ! 12
Linges frais par-dessus la fièvre de nos lombes… 12
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