Métrique en Ligne
ROD_1/ROD43
Georges RODENBACH
Le Règne Du Silence
1891
PAYSAGES DE VILLE
XI
En des quartiers déserts de couvents et d'hospices, 12
Des quartiers d'exemplaire et stricte piété, 12
Je sais des murs en deuil vieillis sous les auspices 12
D'un calvaire où s'étale un christ ensanglanté : 12
5 Plantée en ses cheveux, la couronne d'épines 12
Forme un buisson de clous, — le corps est en ruines, 12
Livide, comme si la lance, l'éraflant, 12
Avait jauni de fiel sa chair inoculée ; 12
Les yeux sont de l'eau morte ; et la plaie à son flanc 12
10 Est pareille au cœur noir d'une rose brûlée… 12
— Œuvre barbare et sombre où le supplicié 12
Pend sur le bois noueux d'un gibet mal scié. 12
Or cette impression de calvaire subsiste 12
Lorsque le soir en longs crêpes tissés descend ; 12
15 Puisqu'on croit voir, au loin, dans le ciel qui s'attriste 12
Surgir la nuit où perle une sueur de sang, 12
Si bien que l'on dirait la nuit crucifiée ! 12
Car les étoiles sont des clous de cruauté 12
Qui, s'enfonçant dans sa chair nue et défiée, 12
20 Lui font des trous et des blessures de clarté ! 12
Ah ! Cette passion qui toujours recommence ! 12
Ce ciel que l'ombre ceint d'épines chaque soir ! 12
Et soudain, comme au coup d'une invisible lance, 12
La lune est une plaie ouverte à son flanc noir. 12
logo du CRISCO logo de l'université