Métrique en Ligne
ROD_1/ROD42
Georges RODENBACH
Le Règne Du Silence
1891
PAYSAGES DE VILLE
X
Tel soir fané, telle heure éphémère suscite 12
Aux miroirs de mon âme un souvenir de site ; 12
Sites recomposés, qu'on eût dit oubliés : 12
D'un canal mort avec deux rangs de peupliers 12
5 Dont les feuilles vont se cherchant comme des lèvres ; 12
Et d'une âpre colline où de bêlantes chèvres, 12
Dont le cri se déchire aux épines aussi, 12
S'appellent l'une l'autre, et d'un air si transi ! 12
Décor surtout des quais dormants en enfilade, 12
10 Pignons, rampes de bois par-dessus l'eau malade 12
Où chaque feu miré se délaye en halo, 12
Fragile et fugitif maquillage de l'eau 12
Qui, sous un heurt de vent, tout à coup s'évapore 12
Et fait que l'eau se mue en sommeil incolore ! 12
15 Sites instantanés, comme à peine rêvés, 12
En contours immortels je les ai conservés 12
Et je les porte en moi, depuis combien d'années ! 12
Seul un ciel identique, aux pâleurs surannées, 12
Triste comme celui qui me les faisait voir, 12
20 Les a ressuscités de moi-même ce soir ; 12
Et c'est ainsi toujours qu'au hasard des nuages 12
Revivent dans mon cœur de souffrants paysages ! 12
logo du CRISCO logo de l'université