Métrique en Ligne
ROD_1/ROD41
Georges RODENBACH
Le Règne Du Silence
1891
PAYSAGES DE VILLE
IX
Les cloches, c'est de la séculaire musique, 12
Musique dont la vie un peu se communique 12
À l'agonie, à la tristesse des murs gris 12
Qui se sentent moins seuls, un moment, moins aigris ; 12
5 Car c'est du bruit joyeux qui sur eux persévère 12
Ô vieux murs, rajeunis par ce chant cristallin, 12
Quand les cloches, au long d'un escalier de verre, 12
Viennent enguirlander, d'airs nouveaux, leur déclin. 12
Vieux murs, pignons déchus et pierres condamnées 12
10 Qui reprennent un peu de joie en entendant 12
Les cloches s'animer dans le rose occident, 12
Elles qui sont les sœurs de leurs jeunes années, 12
Elles qui sont les sœurs de joviale humeur 12
Et qui, pour égayer leur abandon qui meurt, 12
15 — Ô taciturnes murs qui n'ont plus qu'elles seules ! 12
Vont inventer des jeux mièvres dans l'air muet. 12
Alors c'est tout à coup un galant menuet, 12
Danse de l'autre siècle où de frêles aïeules 12
Rapprennent à danser sur un air sémillant ; 12
20 Une fête de bronze au fond du ciel atone 12
Avec d'autres, encor plus vieilles, béquillant 12
À travers le silence et le froid de l'automne, 12
Qui viennent de tous les clochers du ciel natal… 12
Tandis que les vieux murs renaissent à leurs danses 12
25 Dans des robes sans plis aux froufrous de métal, 12
S'achevant par l'air vide en prestes révérences ! 12
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