Métrique en Ligne
ROD_1/ROD103
Georges RODENBACH
Le Règne Du Silence
1891
DU SILENCE
XXIII
Mon rêve s'en retourne en souvenirs tranquilles 12
Vers votre humilité, vieilles petites villes, 12
Villes de mon passé, villes élégiaques, 12
Si dolentes les soirs de noël et de pâques, 12
5 Villes aux noms si doux : Audenarde, Malines, 12
Pieuses, qui priez comme des ursulines 12
En rythmant des avé sur les carillons tristes ! 12
Oh ! Villes de couvents, villes de catéchistes, 12
Avec la sainte odeur des encens et des cires, 12
10 Villes s'assoupissant, si doucement martyres 12
De n'avoir pas été suffisamment aimées, 12
Qui, dégageant le gris mourant de leurs fumées 12
Comme une plainte d'âme exténuée et vierge, 12
Agonisent dans le brouillard qui les submerge. 12
15 Ensommeillement doux de mes villes natales 12
Que, le soir, je retrouve en des marches mentales ; 12
Mais, le long des vieux quais, ô mon rêve, où tu erres, 12
Hélas ! Tu reconnais des maisons mortuaires 12
Que dénoncent, jusqu'à l'obit, parmi la brume, 12
20 Ce cérémonial d'une antique coutume : 12
Un nœud de crêpe noir qui flotte sur les portes ; 12
On dirait des oiseaux cloués, des ailes mortes… 12
Puis, sur les volets clos, une grande lanterne 12
Pend, de qui la lueur si grelottante et terne 12
25 Brûle, en forme de cœur, dans la prison du verre. 12
C'est comme de la vie encor qui persévère 12
Et l'on croirait que l'âme ancienne est là qui pleure 12
Et guette pour rentrer un peu dans sa demeure ! 12
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