Métrique en Ligne
RIM_4/RIM70
Arthur RIMBAUD
DERNIERS VERS
1872-1873
Comédie de la Soif
1. Les Parents
Nous sommes tes Grands-Parents, 7
Les Grands ! 2
Couverts des froides sueurs 7
De la lune et des verdures. 7
5 Nos vins secs avaient du cœur ! 7
Au soleil sans imposture 7
Que faut-il à l'homme ? boire. 7
Moi
Mourir aux fleuves barbares. 7
Nous sommes tes Grands-Parents 7
10 Des champs. 2
L'eau est au fond des osiers : 7
Vois le courant du fossé 7
Autour du Château mouillé. 7
Descendons en nos celliers ; 7
15 Après, le cidre et le lait. 7
Moi
Aller où boivent les vaches. 7
Nous sommes tes Grands-Parents ; 7
Tiens, prends 2
Les liqueurs dans nos armoires 7
20 Le Thé, le Café, si rares, 7
Frémissent dans les bouilloires. 7
— Vois les images, les fleurs. 7
Nous rentrons du cimetière. 7
Moi
Ah ! tarir toutes les urnes ! 7
2. L'Esprit
25 Éternelles Ondines, 6
Divisez l'eau fine. 5
Vénus, sœur de l'azur, 6
Émeus le flot pur. 5
Juifs errants de Norwège, 6
30 Dites-moi la neige. 5
Anciens exilés chers, 6
Dites-moi la mer. 5
Moi
Non, plus ces boissons pures, 6
Ces fleurs d'eau pour verres ; 5
35 Légendes ni figures 6
Ne me désaltèrent ; 5
Chansonnier, ta filleule 6
C'est ma soif si folle 5
Hydre intime sans gueules 6
40 Qui mine et désole. 5
3. Les Amis
Viens, les Vins vont aux plages, 6
Et les flots par millions ! 6
Vois le Bitter sauvage 6
Rouler du haut des monts ! 6
45 Gagnons, pèlerins sages, 6
L'Absinthe aux verts piliers… 6
Moi
Plus ces paysages. 5
Qu'est l'ivresse, Amis ? 5
J'aime autant, mieux, même, 5
50 Pourrir dans l'étang, 5
Sous l'affreuse crème, 5
Près des bois flottants. 5
4. Le pauvre songe
Peut-être un Soir m'attend 6
Où je boirai tranquille 6
55 En quelque vieille Ville, 6
Et mourrai plus content : 6
Puisque je suis patient ! 6
Si mon mal se résigne, 6
Si j'ai jamais quelque or 6
60 Choisirai-je le Nord 6
Ou le Pays des Vignes ?… 6
— Ah songer est indigne 6
Puisque c'est pure perte ! 6
Et si je redeviens 6
65 Le voyageur ancien 6
Jamais l'auberge verte 6
Ne peut bien m'être ouverte. 6
5. Conclusion
Les pigeons qui tremblent dans la prairie, 10
Le gibier, qui court et qui voit la nuit, 10
70 Les bêtes des eaux, la bête asservie, 10
Les derniers papillons !… ont soif aussi. 10
Mais fondre où fond ce nuage sans guide, 10
— Oh ! favorisé de ce qui est frais ! 10
Expirer en ces violettes humides 10
75 Dont les aurores chargent ces forêts ? 10
Mai 1872.
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