Métrique en Ligne
RIM_2/RIM30
Arthur RIMBAUD
POÉSIES II
1870-1872
Les Pauvres à l'église
Parqués entre des bancs de chêne, aux coins d’église 12
Qu’attiédit puamment leur souffle, tous leurs yeux 12
Vers le chœur ruisselant d’orrie et la maîtrise 12
Aux vingt gueules gueulant les cantiques pieux ; 12
5 Comme un parfum de pain humant l’odeur de cire, 12
Heureux, humiliés comme des chiens battus, 12
Les Pauvres au bon Dieu, le patron et le sire, 12
Tendent leurs oremus risibles et têtus. 12
Aux femmes, c’est bien bon de faire des bancs lisses, 12
10 Après les six jours noirs où Dieu les fait souffrir ! 12
Elles bercent, tordus dans d’étranges pelisses, 12
Des espèces d’enfants qui pleurent à mourir : 12
Leurs seins crasseux dehors, ces mangeuses de soupe, 12
Une prière aux yeux et ne priant jamais, 12
15 Regardent parader mauvaisement un groupe 12
De gamines avec leurs chapeaux déformés. 12
Dehors, le froid, la faim, l’homme en ribote : 10
C’est bon. Encore une heure ; après, les maux sans noms ! 12
− Cependant, alentour, geint, nasille, chuchote 12
20 Une collection de vieilles à fanons ; 12
Ces effarés y sont et ces épileptiques 12
Dont on se détournait hier aux carrefours ; 12
Et, fringalant du nez dans des missels antiques 12
Ces aveugles qu’un chien introduit dans les cours. 12
25 Et tous, bavant la foi mendiante et stupide, 12
Récitent la complainte infinie à Jésus 12
Qui rêve en haut, jauni par le vitrail livide, 12
Loin des maigres mauvais et des méchants pansus, 12
Loin des senteurs de viande et d’étoffes moisies, 12
30 Farce prostrée et sombre aux gestes repoussants ; 12
− Et l’oraison fleurit d’expressions choisies, 12
Et les mysticités prennent des tons pressants, 12
Quand, des nefs où périt le soleil, plis de soie 12
Banals, sourires verts, les Dames des quartiers 12
35 Distingués, − ô Jésus ! − les malades du foie 12
Font baiser leurs longs doigts jaunes aux bénitiers. 12
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