Métrique en Ligne
RIM_2/RIM27
Arthur RIMBAUD
POÉSIES II
1870-1872
Accroupissements
Bien tard, quand il se sent l’estomac écœuré, 12
Le frère Milotus un œil à la lucarne 12
D’où le soleil, clair comme un chaudron récuré, 12
Lui darde une migraine et fait son regard darne, 12
5 Déplace dans les draps son ventre de curé. 12
Il se démène sous sa couverture grise 12
Et descend ses genoux à son ventre tremblant, 12
Effaré comme un vieux qui mangerait sa prise, 12
Car il lui faut, le poing à l’anse d’un pot blanc, 12
10 A ses reins largement retrousser sa chemise ! 12
Or, il s’est accroupi frileux, les doigts de pied 12
Repliés grelottant au clair soleil qui plaque 12
Des jaunes de brioche aux vitres de papiers, 12
Et le nez du bonhomme où s’allume la laque 12
15 Renifle aux rayons, tel qu’un charnel polypier. 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le bonhomme mijote au feu, bras tordus, lippe 12
Au ventre : il sent glisser ses cuisses dans le feu 12
Et ses chausses roussir et s’éteindre sa pipe ; 12
Quelque chose comme un oiseau remue un peu 12
20 A son ventre serein comme un monceau de tripe ! 12
Autour, dort un fouillis de meubles abrutis 12
Dans des haillons de crasse et sur de sales ventres, 12
Des escabeaux, crapauds étranges, sont blottis 12
Aux coins noirs : des buffets ont des gueules de chantres 12
25 Qu’entr’ouvre un sommeil plein d’horribles appétits. 12
L’écœurante chaleur gorge la chambre étroite, 12
Le cerveau du bonhomme est bourré de chiffons, 12
Il écoute les poils pousser dans sa peau moite 12
Et parfois en hoquets fort gravement bouffons 12
30 S’échappe, secouant son escabeau qui boite… 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Et le soir, aux rayons de lune qui lui font 12
Aux contours du cul des bavures de lumière, 12
Une ombre avec détails s’accroupit sur un fond 12
De neige rose ainsi qu’une rose trémière… 12
35 Fantasque, un nez poursuit Vénus au ciel profond. 12
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