Métrique en Ligne
RIM_1/RIM9
Arthur RIMBAUD
POÉSIES I
1869-1870
Les Effarés
Noirs dans la neige et dans la brume, 8
Au grand soupirail qui s’allume, 8
Leurs culs en rond, 4
A genoux, cinq petits, − misère ! − 8
5 Regardent le boulanger faire 8
Le lourd pain blond… 4
Ils voient le fort bras blanc qui tourne 8
La pâte grise, et qui l’enfourne 8
Dans un trou clair. 4
10 Ils écoutent le bon pain cuire. 8
Le boulanger au gras sourire 8
Chante un vieil air. 4
Ils sont blottis, pas un ne bouge, 8
Au souffle du soupirail rouge, 8
15 Chaud comme un sein. 4
Et quand, pendant que minuit sonne, 8
Façonné, pétillant et jaune, 8
On sort le pain ; 4
Quand, sous les poutres enfumées, 8
20 Chantent les croûtes parfumées, 8
Et les grillons ; 4
Quand ce trou chaud souffle la vie ; 8
Ils ont leur âme si ravie 8
Sous leurs haillons, 4
25 Ils se ressentent si bien vivre, 8
Les pauvres petits pleins de givre ! 8
− Qu’ils sont là, tous, 4
Collant leurs petits museaux roses 8
Au grillage, chantant des choses, 8
30 Entre les trous, 4
Mais bien bas, − comme une prière… 8
Repliés vers cette lumière 8
Du ciel rouvert, 4
− Si fort, qu’ils crèvent leur culotte, 8
35 − Et que leur lange blanc tremblotte 8
Au vent d’hiver… 4
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