Métrique en Ligne
RIM_1/RIM6
Arthur RIMBAUD
POÉSIES I
1869-1870
Comédie en trois baisers
Elle était fort déshabillée, 8
Et de grands arbres indiscrets 8
Aux vitres penchaient leur feuillée 8
Malinement, tout près, tout près. 8
5 Assise sur ma grande chaise, 8
Mi-nue, elle joignait les mains. 8
Sur le plancher frissonnaient d’aise 8
Ses petits pieds si fins, si fins. 8
− Je regardai, couleur de cire 8
10 Un petit rayon buissonnier 8
Papillonner, comme un sourire 8
Sur son beau sein, mouche au rosier. 8
− Je baisai ses fines chevilles. 8
Elle eut un long rire tris-mal 8
15 Qui s’égrenait en claires trilles, 8
Une risure de cristal… 8
Les petits pieds sous la chemise 8
Se sauvèrent : « Veux-tu finir ! » 8
− La première audace permise, 8
20 Le rire feignait de punir ! 8
− Pauvrets palpitants sous ma lèvre, 8
Je baisai doucement ses yeux : 8
− Elle jeta sa tête mièvre 8
En arrière: « Oh c’est encor mieux !… » 8
25 Monsieur, j’ai deux mots à te dire… » 8
− Je lui jetai le reste au sein 8
Dans un baiser, qui la fit rire 8
D’un bon rire qui voulait bien… 8
− Elle était fort déshabillée 8
30 Et de grands arbres indiscrets 8
Aux vitres penchaient leur feuillée 8
Malinement, tout près, tout près. 8
logo du CRISCO logo de l'université