Métrique en Ligne
RIC_3/RIC260
Jean RICHEPIN
LA MER
1894
MARINES
IV
LA FALAISE
La falaise en forteresse 7
Blanche et rigide se dresse, 7
Et du haut de ses remparts, 7
Ô vagues, elle se raille 7
5 De vos escadrons épars 7
Écrasés à sa muraille. 7
En vain vous la menacez 7
De vos coups jamais lassés, 7
De vos troupes toujours fraîches ; 7
10 La garnison pas à pas, 7
Vous laissant ouvrir vos brèches, 7
Recule et ne se rend pas. 7
Parfois, doublant votre rage, 7
Bat le tambour de l’orage, 7
15 Sonne le clairon du vent. 7
Vous galopez d’une traite. 7
Au galop ! Sus ! En avant ! 7
Vous escaladez la crête. 7
Les talus sont arrachés, 7
20 Des pans de sol, des rochers. 7
La vieille se démantèle, 7
Et voici de toutes parts 7
Que s’émiettent devant elle 7
Les créneaux de ses remparts. 7
25 Dans sa muraille éventrée 7
Votre irrésistible entrée 7
Va, creuse, élargit son trou, 7
Bondit, massacre, renverse, 7
Brèche suprême par où 7
30 Il pleut des morts en averse. 7
Mais ces cadavres croulants 7
Embarrassent vos élans ; 7
Car la plage est toute pleine 7
D’un monceau d’estropiés 7
35 Où vos chevaux, hors d’haleine 7
S’abattent pris par les pieds. 7
Et toujours la forteresse 7
Blanche et rigide se dresse, 7
Puisque sans peur ni remords 7
40 Pour briser vos cavalcades 7
C’est avec ses propres morts 7
Qu’elle fait des barricades. 7
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