Métrique en Ligne
RIC_2/RIC245
Jean RICHEPIN
LES CARESSES
1877
NIVÔSE
XXXV
PARFUM SUPRÊME
C'est bien fini. N'en parlons plus ! 8
Cette fin est très naturelle, 8
Et j'ai vraiment versé sur elle 8
Beaucoup trop de pleurs superflus. 8
5 C'est bien fini. La tombe et close. 8
C'est bien mort et bien enterré. 8
Le bien, le mal que j'en dirai, 8
Ou rien, sera la même chose. 8
Pourtant je veux parler un peu, 8
10 Encore un peu, deux mots encore, 8
Quelques minutes. Je n'implore 8
Que le temps de dire un adieu. 8
T'ayant profondément aimée, 8
Je garderai ton souvenir, 8
15 Et toute ma vie à venir 8
En demeurera parfumée. 8
J'aurai peut-être un autre amour, 8
Ou deux, ou trois, ou vingt, ou trente ; 8
Mais je n'y planterai ma tente 8
20 Que comme un voyageur d'un jour. 8
Aucun ne me fera connaître 8
La joie et le deuil insensés 8
Que tes caresses m'ont versés. 8
Toi seule auras eu tout mon être. 8
25 Dans les yeux les plus merveilleux 8
Je ne verrai que ton image, 8
Comme le pèlerin Roi-Mage 8
Ne voyait qu'une étoile au cieux. 8
Sous les plus brûlantes caresses 8
30 C'est ton corps que mes bras tiendront. 8
Je n'aurai qu'à tourner le front 8
Pour qu'aussitôt tu m'apparaisses. 8
Dans mes désirs inapaisés, 8
Dans mes plus frénétiques fièvres, 8
35 Je retrouverai sur mes lèvres 8
Une goutte de tes baisers. 8
Et que nul ne s'en émerveille ! 8
Je serai comme ces buveurs 8
Que le vin suit de ses saveurs 8
40 Et qui restent soûls de la veille. 8
Ils ont beau marcher en plein air, 8
Boire les brises parfumées, 8
Leurs yeux sont remplis de fumées 8
Où flambe encor le vin d'hier. 8
logo du CRISCO logo de l'université