Métrique en Ligne
RIC_2/RIC179
Jean RICHEPIN
LES CARESSES
1877
BRUMAIRE
II
SES YEUX
Les beaux yeux bleus de notre reine 8
Hier par ma faute ont pleuré. 8
Je m'en accuse ; et pour ma peine 8
En les chantant je veillerai. 8
5 Beaux yeux bleus aux lueurs profondes, 8
Comment mes vers oseront-ils 8
Voguer sur les mouvantes ondes 8
Que font vos changements subtils ? 8
Quelles nuances sont les vôtres ? 8
10 Votre azur n'est pas un moment 8
Comme l'azur banal des autres. 8
Vous êtes bleus étrangement. 8
Quand votre surface reflète 8
Un coin du ciel au ton très doux. 8
15 Je ne sais quelle violette 8
Fleurit, sombre et triste, au-dessous ; 8
Et vraiment on ne peut pas lire, 8
Dans ce mélange qui se fond, 8
Si l'espérance y va sourire 8
20 Ou si le regret pleure au fond. 8
Sous les brouillards de la colère 8
Vous devenez noirs et couverts ; 8
Et quand la gaîté vous éclaire. 8
Vous étincelez de feux verts. 8
25 Parfois c'est gris à fendre l'âme ; 8
Parfois brûlant d'éclat moqueur ; 8
Puis, soudain, froid comme une lame 8
Qui plonge en sifflant dans un cœur. 8
Passe un rayon dans une larme, 8
30 Rire du soleil sur la mer, 8
Et vos tristesses ont un charme 8
Délicieusement amer. 8
Mais surtout, ô chère maîtresse. 8
J'aime tes regards de velours, 8
35 Alors qu'à mon cœur en détresse 8
Ils versent les opiums lourds, 8
Et qu'ils font taire les querelles 8
De mon désespoir soucieux 8
Qui s'endort en ouvrant les ailes 8
40 Dans le firmament de tes yeux. 8
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