Métrique en Ligne
RIC_2/RIC173
Jean RICHEPIN
LES CARESSES
1877
THERMIDOR
XXXI
ESCLAVAGE
Je t'aime, plus je te vois ! 7
Quand pour la première fois 7
Je te vis, je fus sans voix. 7
Devant ma vue embrumée 7
5 S'étendit une fumée 7
Sensuelle et parfumée ; 7
Ainsi monte du cuveau 7
La vapeur du vin nouveau 7
Qui rend trouble le cerveau. 7
10 Lorsque tu levas ton voile, 7
Ton profond regard d'étoile 7
M'entra jusque dans la moelle ; 7
Tel un couteau d'acier dur 7
S'enfonce au cœur d'un fruit mûr. 7
15 Je dus m'appuyer au mur ; 7
Je tremblais de telle sorte 7
Que tu souris, toi, la forte, 7
Devant cette feuille morte. 7
Et, comme alors je sentis 7
20 Tous mes nerfs appesantis, 7
D'abord je me repentis. 7
Un rire plein de superbe 7
Retroussa ma lèvre acerbe. 7
Mais soudain, vert comme l'herbe, 7
25 J'eus, sous tes doigts souverains, 7
Un froid qui me prit aux crins, 7
A la nuque, et dans les reins. 7
C'était fait, j'étais en proie ! 7
Pris dans tes cheveux de soie, 7
30 Je t'ai donné cette joie 7
De voir mes torts expiés ; 7
Car ma force est à tes pieds, 7
Car tes yeux sont mes guêpiers ; 7
Car devant ta beauté fraîche 7
35 Mon orgueil fume et te lèche 7
Comme un feu de paille sèche ; 7
Et je trouve qu'il est bien 7
Que je reste à jamais tien, 7
Toi la chaîne, et moi le chien. 7
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