Métrique en Ligne
RIC_2/RIC161
Jean RICHEPIN
LES CARESSES
1877
THERMIDOR
XIX
UNE FANTAISIE
C'est toi qui l'as voulu. Tu faisais ton devoir 12
De femme curieuse, et ton désir de voir 12
Était si fort que j'ai cédé, petite folle. 12
Comme un saint fatigué du poids de l'auréole 12
5 Qui voudrait dans l'enfer se promener un peu, 12
Comme un enfant gâté qui joue avec le feu, 12
Il te plaisait d'entrer au cœur de la fournaise 12
Où le Paris viveur fait la noce à son aise. 12
Et c'est pourquoi je t'ai conduite sans ennui, 12
10 Dans un de ces cafés ouverts toute la nuit, 12
OÙ rôde sur le gras velours d'une banquette 12
La Prostitution comme une chienne en quête. 12
Le gaz, le ruolz clair, les cristaux découpés, 12
Mêlaient leurs flamboiements aux fumets des soupers ; 12
15 Tout chantait, les baisers, le Champagne, la soie, 12
Les bijoux, les louis ; et tu connus la joie 12
D'être servie, au bruit grisant du bacchanal, 12
Par un garçon pressé, bouffi, glabre et banal. 12
Quelle drôle de chose est une Parisienne ! 12
20 Dans ce milieu nouveau tu semblais une ancienne. 12
Avec un tact exquis tu t'étais sans façon, 12
Pour ne pas détonner, mise au diapason. 12
Malgré le luxe moins voyant de ta toilette, 12
Malgré l'enroulement d'une chaste voilette. 12
25 Et le bon goût des fleurs qui semaient ton chapeau, 12
Tu sentais la débauche et portais à la peau ; 12
Si bien qu'en te voyant les coudes sur la table, 12
Rieuse, le teint chaud et l'air peu respectable, 12
J'ai mené notre amour, les prunelles en feu. 12
30 Achever le dessert dans un cabinet bleu. 12
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