Métrique en Ligne
RIC_2/RIC159
Jean RICHEPIN
LES CARESSES
1877
THERMIDOR
XVII
BEAUTÉ MODERNE
Certes, tu m'éblouis quand tu es toute nue. 12
Ainsi l'âpre soleil de juin, brûlant la nue, 12
Fait baisser le regard par sa flamme irrité. 12
Tu ressembles alors à quelque déité 12
5 Splendide arrondissant le contour de ses lignes 12
Dans un marbre plus blanc que la plume des cygnes. 12
Mais je t'admire autant, je te veux plus encor 12
En moderne beauté, quand un savant accord 12
De rubans, de chiffons, de robe revêtue, 12
10 Dans la toilette étreint ta vivante statue. 12
J'aime l'étroit corsage où tes seins à l'étroit 12
Semblent deux étalons qui se cabrent tout droit. 12
J'aime ton bras sortant à demi de la manche 12
Où la dentelle écume autour de ta chair blanche. 12
15 J'aime ton buste fier cuirassé de satin. 12
J'aime ton pied cambré, frétillant et mutin 12
Sous les boutons de la bottine mordorée. 12
J'aime ta jupe énorme à la traîne éplorée 12
Qui fait comme un fouillis épars de noirs cheveux 12
20 De ta croupe onduleuse à ton mollet nerveux. 12
J'aime à sentir ployer tes reins, fondre ta taille, 12
Dans le froufrou soyeux et craquant de la faille. 12
J'aime tes bracelets, tes bagues, tes bijoux, 12
Tout ce que ton caprice enfant a pour joujoux. 12
25 Et rien ne me rend fou, frénétique, idolâtre, 12
Comme l'éclat de tes toilettes de théâtre, 12
Quand, faisant palpiter au bout fin de ton gant 12
Comme un grand papillon l'éventail élégant, 12
Avec des airs de reine et des rires de fée, 12
30 La poitrine en avant, la tête ébouriffée, 12
Tu te plais à montrer aux lustres envieux 12
Tes diamants aigus qui poignardent les yeux. 12
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