Métrique en Ligne
RIC_2/RIC154
Jean RICHEPIN
LES CARESSES
1877
THERMIDOR
XII
RÉVEIL
Nous avons été des gens sages 8
Cette nuit, je ne sais pourquoi. 8
Or, ce matin, je sens en moi 8
Des éternités de nuages. 8
5 Toi-même sur ton front vermeil 8
Tu gardes des reflets nocturnes, 8
Et tes yeux sont comme des urnes 8
Où fume un restant de sommeil. 8
Nous avons trop dormi, ma chère. 8
10 Notre vorace amour se plaint 8
De n'avoir pas le ventre plein, 8
Lui qui fait toujours bonne chère. 8
Allons, mignonne, allons, debout ! 8
Chassez-moi nos pensers funèbres. 8
15 J'ai nourri mes yeux de ténèbres, 8
J'ai fait des rêves de hibou. 8
Mais en vous voyant fraîche et rose. 8
J'en fais qui sont couleur de jour. 8
J'entends la voix de notre amour 8
20 Qui pour fleurir veut qu'on l'arrose. 8
C'étaient nos vœux inapaisés 8
Qui nous rendaient mélancoliques. 8
Donnons à nos cœurs faméliques 8
Un large repas de baisers. 8
25 C'est le remède, c'est la vie ! 8
Tu m'enlaces ; moi, je t'étreins ; 8
Et mangeant le feu de nos reins, 8
Se tait notre bête assouvie. 8
Les désespoirs les plus ardents. 8
30 Les tristesses les plus farouches, 8
Quand nous unissons nos deux bouches, 8
Sont égorgés entre nos dents. 8
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