Métrique en Ligne
RIC_1/RIC98
Jean RICHEPIN
LA CHANSON DES GUEUX
1881
TROISIÈME PARTIE
NOUS AUTRES GUEUX
NOS TRISTESSES
VII
ÉPITAPHE POUR N’IMPORTE QUI
Ça jura t-il sur son couillon,
Quand de cet monde voult partir.
(François Villon.)
On ne sait pas pourquoi cet homme prit naissance. 12
Et pourquoi mourut-il ? On ne l’a pas connu. 12
Il vint nu dans ce monde, et, pour comble de chance, 12
Partit comme il était venu. 8
5 La gaîté, le chagrin, l’espérance, la crainte, 12
Ensemble ou tour à tour ont fait battre son cœur. 12
Ses lèvres n’ignoraient le rire ni la plainte. 12
Son œil fut sincère et moqueur. 8
Il mangeait, il buvait, il dormait ; puis, morose, 12
10 Recommençait encor dormir, boire et manger ; 12
Et chaque jour c’était toujours la môme chose, 12
La même chose pour changer. 8
Il fit le bien, et vit que c’était des chimères. 12
Il fit le mal ; le mal le laissa sans remords. 12
15 Il avait des amis ; amitiés éphémères ! 12
Des ennemis ; mais ils sont morts. 8
Il aima. Son amour d’une autre fut suivie, 12
Et de plusieurs. Sur tout le dégoût vint s'asseoir. 12
Et cet homme a passé comme passe la vie : 12
20 Entrez, sortez, et puis bonsoir ! 8
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