Métrique en Ligne
RIC_1/RIC83
Jean RICHEPIN
LA CHANSON DES GUEUX
1881
TROISIÈME PARTIE
NOUS AUTRES GUEUX
NOS GAIETÉS
IV
IVRES-MORTS
Si nous faisions une orgie, 7
Trognon, qu’en dis-tu ? 5
Lit défait, nappe rougie, 7
Zut à la vertu ! 5
5 Notre amour qui vient de naître 7
Demain sera mort peut-être 7
Avec cette nuit d’été. 7
Pour qu’il voie au moins l’aurore 7
Il faut boire, et boire encore, 7
10 Boire à sa santé. 5
Le vin coule, coule, coule. 7
Coulons comme lui. 5
Sous le large flot qu’il roule 7
Roulons notre ennui. 5
15 Dans sa pourpre qui ruisselle 7
Flambe une longue étincelle, 7
Rayon du couchant vermeil. 7
Afin d’égorger ma peine, 7
Prends ma poitrine pour gaine, 7
20 Poignard de soleil. 5
Le vin glousse une romance 7
Dans les longs goulots. 5
Les flacons à large panse 7
Versent des sanglots. 5
25 Le flot chantant diminue. 7
La bouteille toute nue 7
Va tomber en pâmoison ; 7
Et dans ce cristal splendide, 7
Comme moi sonore et vide, 7
30 Dort notre raison. 5
Tiens ! je bois. Passez, muscade ! 7
Toi, les doigts tremblants, 5
Ton vin fuit et fait cascade 7
Entre tes seins blancs. 5
35 Comme il s’éparpille en route ! 7
Au tétin rose une goutte 7
Forme un rubis rouge et clair. 7
Flacon qu’un joyau décore, 7
Je veux mordre et mordre encore 7
40 Ton goulot de chair. 5
Comme des bœufs à l’étable 7
Laissant choir nos fronts, 5
Mignonne, entrons sous la table ; 7
Nous y dormirons. 5
45 Loin du fauve éclat des lampes 7
Nous rafraîchirons nos tempes 7
Dans les flaques du parquet, 7
Et sur ta lèvre pâlie 7
Je boirai jusqu’à la lie 7
50 Ton dernier hoquet 5
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