Métrique en Ligne
RIC_1/RIC65
Jean RICHEPIN
LA CHANSON DES GUEUX
1881
DEUXIÈME PARTIE
GUEUX DE PARIS
AU PAYS DE LARGONJI
IV
VOYOU
J’ai dix ans. Quoi ! ça vous épate ? 8
Ben ! c’est comm’ ça, na ! j’suis voyou, 8
Et dans mon Paris j’ carapate 8
Comme un asticot dan’ un mou. 8
5 Sous l’bord noir et gras d’ ma casquette, 8
Avec mes doigts aux ongu’ en deuil, 8
J’ sais rien m’coller eun’ rouflaquette 8
Tout l’ long d’la temp’, là, jusqu’à l’œil. 8
J’ peux m’parler tout ba’ à l’oreille 8
10 Sans qu’ personne entend’ rien du tout. 8
Quand j’ rigol’, ma gueule est pareille 8
À cell’ d’un four ou d’un égout. 8
Mais jamb’s sont fait’s comm’ des trombones. 8
Oui, mais j’sais tirer–gar’là-dessous ! – 8
15 La savate, avec mes guibonnes 8
Comm’ cell’s d’un canard eud’ quinz’ sous. 8
J’ai l’ piton camard en trompette. 8
Aussi, soyez pa’ étonnés 8
Si j’ai rien qu’ du vent dans la tête : 8
20 C’est pa’c’que j’ai pas d’poils dans l’nez. 8
Près des théâtres, dans les gares, 8
Entre les arpions des sergots 8
C’est moi que j’cueill’les bouts d’cigares, 8
Les culots d’pipe et les mégots. 8
25 Ben, moi, c’t’existenc’-là m’assomme ! 8
J’voudrais posséder un chapeau. 8
L’est vraiment temps d’dev’nir un homme. 8
J’en ai plein l’dos d’être un crapaud. 8
Les pant’ s doiv’nt me prend’ pour un pître, 8
30 Quand, avec les zigs, sur eul’ zinc, 8
J’ai pas d’brais’ pour me fend’ d’un litre, 8
Pas mêm’d’un meulé-cass’à cinq. 8
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Vrai, vous savez, c’est pas ma faute. 8
J’fais quoi que j’peux. J’vous dirais ben 8
35 Pourquoi c’est que j’suis pas d’la haute. 8
J’l’avais mêm’ dit a m’sieu Rich’pin. 8
Mais faut croir’ que ça doit pas s’dire. 8
Puisque, pour s’êt’ fait mon écho, 8
On l'a fourré dans la tir’lire 8
40 Avec les pègres d’Pélago. 8
logo du CRISCO logo de l'université