Métrique en Ligne
RIC_1/RIC54
Jean RICHEPIN
LA CHANSON DES GUEUX
1881
DEUXIÈME PARTIE
GUEUX DE PARIS
LES QUATRE SAISONS
XVI
BALLADE DU DÉGEL
C’est le dégel aux pieds mouillés ! 8
Dans le ciel, dont la toile écrue 8
A des tons jaunâtres rouillés, 8
On ne voit plus, lasse et recrue, 8
5 Filer en triangle la grue 8
Vers les lieux où l’oranger croît. 8
La boue immonde est apparue ; 8
Mais les pauvres n’ont plus si froid. 8
À travers bottines, souliers, 8
10 Chaussettes et bas, l’eau se rue 8
Avec des sanglots gargouillés, 8
Les toits dégouttent dans la rue. 8
Leur larme salissante et drue 8
Sur le nez vous tombe tout droit 8
15 Comme une roupie incongrue ; 8
Mais les pauvres n’ont plus si froid. 8
Les gens les mieux mis sont souillés 8
Par la crotte, et la malotrue 8
Donne un allure de rouliers 8
20 Même à l’opulence ventrue. 8
Jusqu’à la femme qu’on a crue 8
Sans tache, et qui dans maint endroit 8
Se met de la boue en verrue !… 8
Mais les pauvres n’ont plus si froid. 8
ENVOI
25 Prince, grâce à la fange accrue, 8
Malgré votre pied très étroit 8
Vous avez l’air coquecigrue ; 8
Mais les pauvres n’ont plus si froid. 8
logo du CRISCO logo de l'université