Métrique en Ligne
RIC_1/RIC36
Jean RICHEPIN
LA CHANSON DES GUEUX
1881
PREMIÈRE PARTIE
GUEUX DES CHAMPS
L’ODYSSÉE DU VAGABOND
XI
LE MORT MAUDIT
La pauvre antique baraque, 7
Juchée en haut du coteau, 7
À toutes les bises craque 7
Et par tous les joints fait eau. 7
5 La porte sans gonds, ballante, 7
Gémit comme un chat-huant. 7
C’était la maison roulante 7
Où couchait le vieux truand. 7
Le vieux truand, à la brune, 7
10 Jetait des sorts aux troupeaux, 7
Et savait au clair de lune 7
Faire chanter les crapauds. 7
Une nuit de grand tonnerre, 7
Mystérieusement seul 7
15 Il est mort, le centenaire 7
Sans prière et sans linceul. 7
Ne le voyant plus paraître ; 7
On est venu chez le vieux. 7
On a su sa mort. Le prêtre 7
20 A dit que c’était tant mieux. 7
Pour mettre son corps en terre 7
Nul n’osa franchir le seuil. 7
Le cadavre solitaire 7
Eut la hutte pour cercueil. 7
25 Aussi, sur la lande bleue 7
Quand vient l’ombre, épouvanté 7
Le plus fier fait une lieue 7
Pour fuir le coteau hanté. 7
Car on sait que le fantôme 7
30 Mort sans un de Profundis 7
Vous demande un bout de psaume 7
Pour entrer en paradis, 7
Et l’on veut avec rancune 7
Lui laisser pour tout repos 7
35 La chanson du clair de lune 7
Qu’il apprenait aux crapauds. 7
logo du CRISCO logo de l'université