PREMIÈRE PARTIE |
GUEUX DES CHAMPS |
L’ODYSSÉE DU VAGABOND |
IV |
IDYLLE DE PAUVRES |
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L’hiver vient de tousser son dernier coup de rhume |
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Et fuit, emmitouflé dans sa ouate de brume. |
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On ne reverra plus, avant qu’il soit longtemps, |
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Sur la vitre, allumée en prismes éclatants, |
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Fleurir la fleur du givre aux étoiles d’aiguilles. |
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Voici qu’un frisson monte à la gorge des filles ! |
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C’est le printemps. Salut, bois verts, oiseaux chanteurs, |
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Ciel délicat ! La brise, où flottent des senteurs, |
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Apporte on ne sait d’où les amoureuses fièvres ; |
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Et des baisers, errants dans l’air, cherchent des lèvres. |
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Mais le dur paysan retourne à ses travaux. |
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Pour lui, qu’importe avril et ses désirs nouveaux ? |
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Ce qu’il sait seulement, c’est qu’il faut quitter l’âtre, |
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Qu’il faut recommencer la lutte opiniâtre |
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Contre la terre en rut, buveuse de sueurs. |
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Et le chant des oiseaux, l’aube aux fraîches lueurs, |
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Les papillons, l’azur, lui disent : – Prends ta blouse |
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Et travaille. La terre est ta femme jalouse |
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Et veut que tu sois tout à elle, et tout le jour. |
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Féconde-la, vilain, sans penser à l’amour. – |
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Et le dur paysan baise la terre grise |
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Sans humer les senteurs qui flottent dans la brise, |
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Sans ouvrir sa poitrine aux souffles embrasés. |
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Où vous poserez-vous, vols errants de baisers, |
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Essaim tourbillonnant des amoureuses fièvres ? |
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Heureusement pour vous que les gueux ont des lèvres. |
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(Ici deux gueux s’aimaient jusqu’à la pâmoison, |
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Et cela m’a valu trente jours de prison.) |
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Ô gueux, enivrez-vous de l’amour printanière ! |
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Allez, sous le buisson qui vous sert de tanière, |
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Personne ne vous voit que le bois et le ciel. |
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L’abeille, qui bourdonne en butinant son miel, |
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Ne racontera pas les choses que vous faites. |
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Le papillon, joyeux de voir les champs en fêtes, |
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Vole sans bruit parmi la plaine aux cent couleurs, |
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Et pour vous imiter conte fleurette aux fleurs. |
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Seul, un oiseau, perché sur la plus haute feuille, |
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Entend les mots qu’on dit et les baisers qu’on cueille, |
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Et semble se moquer de vous, le polisson ! |
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Mais tout ce qu’il raconte en l’air n’est que chanson. |
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Aimez-vous ! Savourez, loin du monde et des hommes, |
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Ce qu’on a de meilleur sur la terre où nous sommes ! |
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Pâmez-vous dans les bras l’un de l’autre sans fin ! |
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Abreuvez votre soif d’aimer ! À votre faim |
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Repaissez-vous longtemps de caresses trop brèves ! |
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Vivez cette minute ainsi qu’on vit en rêves ! |
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Dans le débordement de ce fleuve vermeil |
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Noyez les jours sans pain, et les nuits sans sommeil, |
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Et tout ce qui vous reste à vivre dans la dure ! |
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Ô gueux, soyez heureux ! L’amour vous transfigure. |
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Malgré vos pauvretés, vous êtes riches, beaux. |
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De l’amour éternel vous portez les flambeaux. |
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Oui, l’amour qui fait battre à l’instant votre artère, |
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C’est celui qui féconde autour de vous la terre, |
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C’est celui dont la brise apporte les senteurs, |
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C’est celui des bois verts et des oiseaux chanteurs, |
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Celui qui fait gonfler les seins comme des voiles, |
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Celui qui dans les cieux fait rouler les étoiles, |
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C’est l’amour éternel que tout veut apaiser |
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Et par qui l’univers n’est qu’un vaste baiser. |
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