Métrique en Ligne
RIC_1/RIC16
Jean RICHEPIN
LA CHANSON DES GUEUX
1881
PREMIÈRE PARTIE
GUEUX DES CHAMPS
LES PLANTES, LES CHOSES, LES BÊTES
I
LA FLUTE
Je n’étais qu’une plante inutile, un roseau. 12
Aussi je végétais, si frêle, qu’un oiseau 12
En se posant sur moi pouvait briser ma vie. 12
Maintenant je suis flûte et l’on me porte envie. 12
5 Car un vieux vagabond, voyant que je pleurais, 12
Un matin en passant m’arracha du marais, 12
De mon cœur, qu’il vida, fit un tuyau sonore, 12
Le mit sécher un an, puis, le perçant encore, 12
Il y fixa la gamme avec huit trous égaux ; 12
10 Et depuis, quand sa lèvre aux souffles musicaux 12
Éveille les chansons au creux de mon silence, 12
Je tressaille, je vibre, et la note s’élance ; 12
Le chapelet des sons va s’égrenant dans l’air ; 12
On dirait le babil d’une source au flot clair ; 12
15 Et dans ce flot chantant qu’un vague écho répète 12
Je sais noyer le cœur de l’homme et de la bête. 12
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