Métrique en Ligne
REN_5/REN225
Armand RENAUD
AU PAYS DE LA MORT ET DE LA BEAUTÉ
1895
LE LYS DU COFFRET
III
L'Œuvre
Sans amis, dédaigneux de la banale gloire, 12
Le maître se consacre, en son réduit secret, 12
A combiner le bois d'ébène avec l'ivoire 12
Pour faire une œuvre exquise et minime, un coffret. 12
5 Sur les flancs est tracée une bien simple histoire : 12
Une idylle d'amour avec la mort pour fin. 12
Le couvercle est orné d'un profil doux et fin : 12
Profil de jeune fille aux cheveux ceints de roses, 12
Tout souriant de grâce et de virginité, 12
10 Figure qui, fermée à la laideur des choses, 12
Prend son rayonnement dans un rêve enchanté 12
Et, loin des passions brûlantes ou moroses. 12
Donne ce sentiment de calmante fraîcheur 12
Qu'on a devant un lac où flotte une blancheur. 12
15 Ce n'était qu'une enfant, ayant quinze ans à peine 12
Lorsqu'en avril, au temps de la saison sereine, 12
Il la vit, lys candide, à son éclosion ; 12
Puis il la retrouva, sévère vision, 12
Secourant les blessés après une bataille, 12
20 Et pendant qu'il gisait, tout sanglant, sur la paille. 12
D'un être incorporel il eut l'illusion. 12
Puis un jour — et ce fut la vision dernière — 12
Il la vit toute blanche et fleurie en sa bière. 12
Mais, pour lui, son image a reparu là-haut. 12
25 A son âpre génie, à son âme indomptée, 12
Comme égide, une fleur de la morte est restée. 12
Et c'est pour conserver ce gage, qu'il lui faut, 12
Ainsi qu'un cœur sans tache, un coffret sans défaut. 12
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