Métrique en Ligne
REN_3/REN170
Armand RENAUD
CAPRICES DE BOUDOIR
1864
CHUCHOTEMENTS
X
MESSE MORTUAIRE
Notre amour fut toujours fantasque. 8
Pour exciter notre cerveau, 8
A toute heure il changeait de masque, 8
Prenait un costume nouveau. 8
5 Tantôt c'était, au fond d'un temple, 8
Un ange qui tombe à genoux 8
Et qui pieusement contemple 8
Dans son missel, un billet doux ; 8
Tantôt, dans les bois pleins de sève, 8
10 C'était un Faune curieux 8
Dont par degrés la main soulève 8
Le voile qui gêne ses yeux ; 8
Parfois un cavalier sauvage 8
Qu'on ne peut ni fuir ni saisir, 8
15 Et qui partout met le ravage 8
En courant après le plaisir ; 8
D'autres jours, un pacha qui fume, 8
Les pieds croisés sur des coussins, 8
Tandis qu'un nègre le parfume 8
20 En chantant des airs Abyssins. 8
Mais cette fois, c'est la dernière 8
Que changera ce pauvre amour. 8
Lui qui jetait tant de lumière, 8
Voici qu'il est mort à son tour. 8
25 A force de faire la guerre, 8
Il a réclamé le repos ; 8
Ce qui fat son berceau naguère 8
N'est plus qu'un cercueil pour ses os. 8
Mais afin qu'en sa fosse il dorme, 8
30 Tranquille jusqu'au jugement, 8
Il faut, tous deux, selon la forme, 8
Lui faire un bel enterrement. 8
J'ai rempli ta lèvre sonore 8
De mes Magnificats jadis ; 8
35 Tends-la moi, cette fois encore, 8
Que j'y chante un De profundis. 8
Et, loin de prendre un air morose, 8
Fêtons ce grand mort, de façon 8
A lui faire une apothéose 8
40 De notre suprême oraison. 8
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