Métrique en Ligne
REN_3/REN169
Armand RENAUD
CAPRICES DE BOUDOIR
1864
CHUCHOTEMENTS
IX
IDÉES QUI PASSENT
Chaque soir, belle insatiable, 8
Au souper de la volupté, 8
C'est votre demande immuable 8
Qu'on vous serve une nouveauté. 8
5 En vain l'on vous dit que sur terre 8
On ne peut inventer toujours, 8
Que nous sommes, par le mystère, 8
Bornés en tout, même en amours ; 8
De l'inconnu terrible et sombre 8
10 Sans cesse vous tentez l'assaut ; 8
Vos désirs vont, à travers l'ombre, 8
Toujours plus loin, toujours plus haut. 8
A quoi bon, à quoi bon, oh ! dites, 8
Changer le vin des coupes d'or ? 8
15 L'infini, dans ses soifs maudites, 8
Toujours vous crîra : Change encor ! 8
Si l'on s'arrangeait une vie, 8
Chacun d'après son sentiment, 8
Je ne ferais point mon envie 8
20 D'un suprême raffinement. 8
Aussitôt qu'on en connaît une, 8
On trouve aux voluptés d'après 8
Une ressemblance importune, 8
Gâtant les bonheurs les plus vrais ; 8
25 Le plaisir devient comme un gouffre 8
Insaisissable entre vos bras ; 8
Plus on est savant, plus on souffre, 8
Remarquant mieux ce qu'on n'a pas. 8
Savez-vous quel serait mon rêve ? 8
30 Qu'on fit de nous deux innocents, 8
Autre Adam auprès d'une autre Ève, 8
Dans le premier trouble des sens ; 8
Et non pas ces innocents louches, 8
Êtres à l'esprit émoussé, 8
35 Devant qui, par toutes les bouches, 8
Le mot fut cent fois prononcé, 8
Enfants nés dans la tourbe humaine, 8
Instruits de ce qui les attend, 8
Du but où le désir les mène 8
40 N'étant pas en peine un instant, 8
Mais deux virginités complètes, 8
— Esprit et chair ne faisant qu'un, — 8
Sans deviner les violettes, 8
Aspirant déjà le parfum ; 8
45 Cherchant quel souffle les embrase, 8
Quelle lumière emplit leurs yeux, 8
Pris de gratitude et d'extase, 8
D'étonnement prodigieux ; 8
Émus au toucher de leurs lèvres, 8
50 Sans savoir que c'est un baiser ; 8
Se livrant à toutes les fièvres, 8
Sans pouvoir de rien s'aviser. 8
Autrefois, au matin des âges, 8
Ce rêve étrange fut réel 8
55 Dans les chatoyants paysages 8
D'un paradis semblable au ciel. 8
Tout a fui dans la nuit immense, 8
Cœurs d'azur, magiques reflets. 8
Les rêves ! les rêves 1 démence. 8
60 Dans une étreinte, étonnons-les ! 8
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