Métrique en Ligne
REN_3/REN165
Armand RENAUD
CAPRICES DE BOUDOIR
1864
FRISSONNEMENTS
V
SPLENDEUR RÉALISTE
L'Andalouse a la taille aux souplesses exquises, 12
Avec un volcan noir sous la pointe du cil. 12
Aimer à l'ombre est doux dans les îles Marquises. 12
Les secrets sont divins des femmes du Brésil. 12
5 L'Allemande a l'esprit égaré dans la nue, 12
Le corps moelleux, la lèvre aux carmins enflammés. 12
L'Écossaise, au grand air, marche, la jambe nue. 12
L'Orient rêve au fond de ses harems fermés. 12
La Chine a des trésors de grâce, aux yeux obliques, 12
10 Qui donnent leur caresse avec de petits cris. 12
Les négresses vous ont des forces diaboliques. 12
Mais tout reste au-dessous des femmes de Paris. 12
Quand elles ont laissé monter à leur visage 12
Ces ivresses de feu dont le vin les brûla, 12
15 Qu'elles ont débraillé leur rire et leur corsage, 12
Et qu'à l'homme ébloui leur beauté dit : voilà ! 12
Quand sur les fronts penchés, sur la table en désordre, 12
Les flambeaux font courir leur dernière clarté, 12
Que les nerfs triomphants tressaillent à se tordre, 12
20 Que le rire est sinistre à force de gaîté ; 12
Alors, si tu te plais aux voluptés mortelles, 12
Aux bonds de la lionne, au replis du serpent, 12
Prends dans tes bras la femme aux lignes les plus belles, 12
En cueillant le baiser qui de sa lèvre pend. 12
25 C'est qu'il ne s'agit point là d'une campagnarde 12
Dont un lambeau de toile est le seul vêtement, 12
Qui, ramenant le soir les troupeaux qu'elle garde, 12
Dévore sa pâture et s'endort pesamment. 12
Je parle de la reine à la folle existence, 12
30 Chemise de dentelle et robe de velours, 12
Qui, dans du vrai Bohême ayant bu le Constance, 12
Fait la moue à son verre et le brise toujours ; 12
Qui pose sur l'orgie un cachet d'élégance, 12
Et qui, de nul amour ne s'émouvant à jeun, 12
35 Quand le vin dans le sang lui met l'extravagance, 12
Plus qu'on ne saurait dire, exhale un chaud parfum. 12
Oh ! que de fois j'ai vu, dans l'ardeur de mes rêves, 12
Folles de volupté, ces bacchantes bondir ! 12
Leurs prunelles avaient le flamboîment des glaives, 12
40 Je sentais contre moi leur tête se raidir. 12
Leurscheveux m'effleuraient comme un essaim de mouches, 12
Leur rire était profond, sonore et menaçant, 12
Et les gouttes de vin qui tombaient de leurs bouches, 12
Sur leur gorge de lait, prenaient l'aspect du sang. 12
45 Et roulé par l'abîme, étreint par le vertige, 12
A tout déchaînement criant sans fin : bravo ! 12
Parfums, chansons, lueurs, tandis que tout voltige, 12
Je noyais dans l'oubli mon cœur et mon cerveau 12
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