Métrique en Ligne
REN_2/REN65
Armand RENAUD
Poésies
1860-1880
LES NUITS PERSANES
LES RHYTHMES
Les Jongleurs
JE viens de voir sur une place, 8
Au fond des ignobles faubourgs, 8
Un grand cercle de populace 8
Qui, chassant les soucis trop lourds 8
5 Pour sa misère fainéante, 8
Examine, bouche béante, 8
Comme un marmot une géante, 8
Quatre jongleurs faisant leurs tours. 8
Le premier se sert, quand il joue, 8
10 De boules d'or que le soleil 8
Amoureusement sur la joue 8
Baise de son baiser vermeil ; 8
L'autre en ses mains favorisées 8
Groupe des guirlandes rosées ; 8
15 Avec des perles irisées 8
L'autre tient son monde en éveil. 8
Mais, tous les trois, ou les dédaigne 8
Lorsque paraît, les traits en feu, 8
Celui qui sur les foules règne 8
20 Comme un empereur, comme un dieu. 8
Car c'est sur la lame pointue 8
Que son adresse s'évertue, 8
Et les bonds du poignard qui tue 8
Font un supplice de son jeu. 8
25 Loin de ce carrefour immonde, 8
Il existe d'autres jongleurs 8
Qui fascinent les yeux du monde 8
Par leurs secrets ensorceleurs ; 8
Eux aussi, coulés dans le moule 8
30 Du libre caprice qui roule, 8
Savent faire voir à la foule 8
Des tours de toutes les couleurs. 8
Mais si votre rêve, ô poètes, 8
Est de fasciner les regards, 8
35 Comme les éclairs des tempêtes, 8
Comme le soleil sans brouillards, 8
En jonglant avec des pensées 8
Dont d'autres mains seraient blessées, 8
Sur votre front tenez dressées 8
40 Des auréoles de poignards ! 8
logo du CRISCO logo de l'université