Métrique en Ligne
REN_2/REN145
Armand RENAUD
Poésies
1860-1880
LES NUITS PERSANES
HORS DE LA VIE
Hors de la Vie
QUAND à s'agiter sans but et sans cause 10
On a trop brûlé son âme et ses yeux, 10
Quand on se sent las, être assis repose, 10
Se coucher est bon, et mourir vaut mieux. 10
5 Le sphinx au milieu du sable, 7
Le sage dans la cité, 7
Font leur socle impérissable 7
De l'insensibilité. 7
Lama, fakir, bonze ou brahme, 7
10 A quoi bon chants et sanglots ? 7
Quand on fait mouvoir la rame, 7
Voit-on plus clair sous les flots ? 7
Pas de forme dérisoire ! 7
Être un espace béant ! 7
15 Néant, la honte et la gloire. 7
L'enfer et le ciel, néant. 7
Le vide est mon toit. L'abîme est ma couche. 10
Je vois sans regards ; sans chemin je vais. 10
J'entends sans oreille, et je bois sans bouche. 10
20 Nul ne peut comprendre. Aussi je me tais. 10
La chair, l'esprit, erreur sans trêve ! 8
La vie est du mal ; tout en est : 8
Même le sommeil, car l'on rêve ; 8
Même la mort, car l'on renaît. 8
25 Dieu moins sensé qu'un homme ivre, 7
Ne pouvais-tu rester coi ? 7
Quand rien ne tenait à vivre, 7
Avoir tout créé, pourquoi ? 7
Il se peut que tu me damnes, 7
30 O dispensateur du sort. 7
Des plaignants briser les crânes 7
N'empêche pas d'avoir tort. 7
En vain tu veux que je souffre 7
Dans les mondes superflus. 7
35 Dieu, des secrets de ton gouffre 7
J'approche de plus en plus. 7
Le silence est dans ma bouche, 7
Et le vide est dans mes yeux. 7
Sans me fondre en Toi, j'y touche. 7
40 Loin déjà sont tous les deux. 7
O mon idole, ô mystère, 7
Tu fuis, mais je te poursuis. 7
Comme entre l'eau dans la terre, 7
En Toi, malgré Toi, je suis. 7
45 Une essence qui repose. 7
Ni l'air, ni l'eau, ni le feu. 7
Point d'effet et point de cause, 7
Solitude. Nuit. Rien. Dieu. 7
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