Métrique en Ligne
REN_2/REN140
Armand RENAUD
Poésies
1860-1880
LES NUITS PERSANES
SONGES D'OPIUM
Dédoublement
JE suis étendu dans la boue, 8
Incapable de faire un pas ; 8
Il viendrait la plus lourde roue 8
Que je ne me lèverais pas. 8
5 Contre un poteau mon front s'appuie ; 8
En haut, un homme est empalé ; 8
Mordant mes haillons, une truie 8
Pousse un grognement désolé. 8
De l'eau tombe, froide et gluante, 8
10 D'un ciel noir comme le remords ; 8
Une vermine remuante 8
Ronge mon corps pareil aux morts. 8
Cependant, couverte d'un voile 8
Qui l'enroule en plis gracieux, 8
15 Jetant une lueur d'étoile, 8
Une forme sort de mes yeux. 8
Avec lenteur elle s'allonge, 8
Elle s'éloigne lentement, 8
Vers mon bourbier privé de songe 8
20 Tournant la tête par moment. 8
A l'horizon quand elle arrive, 8
Voici que le noir horizon 8
D'une immense lueur s'avive, 8
S'épanouit en floraison. 8
25 Parmi les lys à tige fière, 8
Les jasmins, les rosiers moussus, 8
Serpente une large rivière ; 8
Une barque ondule dessus, 8
Barque à la courbe égyptienne, 8
30 Avec figures aux deux bouts. 8
En poupe, une musicienne 8
Tient sa harpe sur les genoux. 8
La forme aux blanches draperies 8
Sur la barque vient se dresser ; 8
35 Parmi les lointaines féeries 8
Celle-ci se met à glisser ; 8
Et l'être couvert de mystère, 8
Au firmament occidental, 8
S'évapore, loin de la terre, 8
40 Sous des portiques de cristal. 8
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