Métrique en Ligne
REN_2/REN136
Armand RENAUD
Poésies
1860-1880
LES NUITS PERSANES
SONGES D'OPIUM
La Recherche du Tombeau
J 'ÉTAIS, dans la pose où l'on prie, 8
Au milieu d'une galerie 8
Pareille aux contes de féerie. 8
A gauche, à droite, des piliers, 8
5 De grands piliers noirs par milliers, 8
Fuyaient en deux rangs réguliers. 8
Sur le pavé de mosaïque 8
Où sont en langue chaldaïque 8
Les mots divins craints du laïque, 8
10 A gauche, la mer qui hurlait, 8
Entre les fûts au noir reflet, 8
Jetait son écume de lait ; 8
A l'opposé, tout semblait vide ; 8
Le néant, dans l'ombre livide, 8
15 Ouvrait une mâchoire avide. 8
Tout à coup voici qu'une main, 8
Main sans bras, n'ayant rien d'humain, 8
Se dressa pâle en mon chemin. 8
Cette main tenait une lampe. 8
20 Plus qu'à voir un serpent qui rampe, 8
L'horreur frissonnait sur ma tempe. 8
Et s'échappant je ne sais d'où, 8
Semblable à la voix du hibou, 8
Une voix souffla dans mon cou : 8
25 « Lève-toi ! Prends la lampe sombre. 8
Le temps est venu, vieux décombre, 8
D'aller t'enterrer dans cette ombre. 8
‒ M'enterrer ! Quel est cet endroit ? » 8
Et je tâtai mon corps du doigt, 8
30 Et je sentis que j'étais froid. 8
Sur ma dépouille mortuaire. 8
Comme une œuvre de statuaire, 8
A plis droits tombait le suaire. 8
Et, la lampe en main, je pus voir, 8
35 Au côté droit du long couloir, 8
Un tombeau blanc par pilier noir. 8
Mais en vain, sans que je m'arrête, 8
Mouillé, glacé par la tempête, 8
D'un lit pour moi je vais en quête ; 8
40 Avec mon vacillant flambeau, 8
Entr'ouvrant mes yeux morts, j'ai beau 8
Regarder dans chaque tombeau ; 8
Par Dieu, dans l'allée infinie, 8
Nulle pierre ne m'est fournie 8
45 Où poser ma longue insomnie. 8
Les tombeaux, en nombre insensé, 8
Dans lesquels mou œil s'est glissé, 8
Tous ont déjà leur trépassé ! 8
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