Métrique en Ligne
REN_2/REN132
Armand RENAUD
Poésies
1860-1880
LES NUITS PERSANES
SONGES D'OPIUM
L'Homme-Océan
L'OCÉAN devant moi s'étendait ; 9
Le soleil reluisait sur la vague ; 9
Et mon œil au lointain regardait 9
Onde et feu se mêler dans le vague. 9
5 Et du flot ne pouvant fuir l'attrait, 9
Sur le roc je me mis à plat ventre, 9
Le cou droit, la prunelle en arrêt, 9
Le gosier distendu comme un antre. 9
A ma bouche arriva l'Océan. 9
10 Il entra, la prenant pour gouttière. 9
Il fallait que mon corps fût géant, 9
Car la mer s'y logea tout entière. 9
Et voyez ! maintenant c'est en moi 9
Que commence et finit la tempête ; 9
15 Mes poumons aux courants font la loi, 9
Et le flux retentit dans ma tête. 9
J'ai les os en corail, et mes reins 9
Sont remplis de varechs sédentaires : 9
Esturgeons, cachalots, veaux marins 9
20 Fout des bonds à travers mes artères. 9
Des serpents vont grouillant par monceaux 9
Dans les flots dont mon cœur est la source ; 9
La baleine aux évents colossaux 9
Fait craquer mon échine en sa course. 9
25 Et ceci durera jusqu'au jour 9
Du dernier, du plus grand des désastres, 9
Quand, la vie ayant fui sans retour, 9
Au néant rouleront tous les astres. 9
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