Métrique en Ligne
REN_2/REN129
Armand RENAUD
Poésies
1860-1880
LES NUITS PERSANES
LA MOSQUÉE
Les Anges trompés
MONKIR et Nékir, les deux anges 8
Chargés des funèbres vendanges 8
Où l'on cueille l'âme des morts, 8
Les ministres à l'aile noire 8
5 Du premier interrogatoire, 8
Lorsque dans la tombe est le corps, 8
Ayant passé près de la pierre 8
Où, m'absorbant dans la prière, 8
Je reçois la pluie et le vent, 8
10 Virent ma face si blafarde 8
Qu'ils montèrent longtemps la garde 8
Pour savoir si j'étais vivant. 8
L'un d'eux par les cheveux me tire, 8
Et l'autre augmente ce martyre 8
15 En me chatouillant sous les bras. 8
Je reste inerte. De leurs pointes 8
D'épée ils piquent mes mains jointes. 8
Mes mains jointes ne bougent pas. 8
Alors Monkir : « Jamais la vie 8
20 Ne fut à ce point asservie 8
Par la volonté d'un humain ; 8
Cet homme est mort. » Plus formaliste, 8
Nékir dit : « Absent sur ma liste ! 8
Par prudence attendons demain. » 8
25 « Vois, disait Monkir, ce squelette ; 8
Du sépulcre seul c'est l'emplette, 8
Ces yeux vitreux, fermés toujours. » 8
Nékir lui répondait : « Sans doute 8
Il est mort de faim sur la route. 8
30 Mais je ne vois pas de vautours ! » 8
Et Monkir : « C'est qu'il est trop maigre ! » 8
Là-dessus la face de nègre 8
Des terribles anges sourit. 8
Il poursuivit : « Que sert d'attendre ? » 8
35 Et Nékir : « Soit ! allons le prendre, 8
Bien que ce ne soit pas écrit. » 8
Mais l'ombre du soir marquant l'heure 8
De la prière extérieure, 8
Je commençai l'ablution ; 8
40 Et les anges, voyant la chose, 8
S'envolèrent d'un air morose, 8
Pour cacher leur déception. 8
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