Métrique en Ligne
REN_2/REN117
Armand RENAUD
Poésies
1860-1880
LES NUITS PERSANES
FLEURS DE VIN
L'Aumône
ÉCHANSON, va chercher, au coin de la place, 11
Un pauvre vieillard sans pieds, sans mains, sans yeux, 11
Qui, se laissant huer par la populace, 11
N'interrompt jamais son deuil silencieux. 11
5 Il a sur tout le corps un verdâtre ulcère ; 11
Nul soleil ne peut l'empêcher d'avoir froid. 11
De plus un souvenir le tient dans sa serre 11
Implacablement, c'est d'avoir été roi. 11
Échanson, de ma part, va dire à cet homme 11
10 Qu'il vienne avec moi boire ici, que mon vin 11
Donne ce que la terre a de mieux en somme, 11
L'oubli, le sommeil, tout ce qui n'est pas vain. 11
Ivre, quoique sans yeux, il verra des flammes 11
Tracer devant lui des dessins fabuleux, 11
15 De mobiles dessins pareils à des âmes, 11
De leurs ailes d'or fendant les Édens bleus. 11
Adieu la pauvreté, les haillons, la plaie ; 11
Il n'aura plus froid, ne se souviendra plus. 11
Point de réel menteur ! l'illusion vraie 11
20 Où nul cœur ne souffre, où nul corps n'est perclus. 11
Va le chercher ! ma coupe est la seule chose 11
Où ses maux pourront trouver leur guérison. 11
Le reflet de ses pleurs y deviendra rose, 11
L'écho de sa plainte y deviendra chanson. 11
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