Métrique en Ligne
REN_2/REN104
Armand RENAUD
Poésies
1860-1880
LES NUITS PERSANES
FLEUR DE SANG
Le Supplice
C'EST un sage, un saint, un derviche. 8
Gabriel vient le voir, dit-on. 8
‒ Qu'on le pende à cette corniche, 8
Par un crochet sous le menton. 8
5 Sa foi pénétrait dans les bouges ; 8
Il la déployait sur les rois. 8
‒ Qu'on mette à ses pieds des fers rouges, 8
De crainte qu'il ne les ait froids. 8
Son lit était fait de broussailles, 8
10 Sa peau trop maigre se trouait. 8
‒ Qu'on lui dévide les entrailles, 8
Avec lenteur, sur un rouet. 8
Quand il priait sur une tombe, 8
Les oiseaux l'écoutaient en rond. 8
15 ‒ Régulièrement qu'il lui tombe 8
Une eau de glace sur le front. 8
Pour ne pas troubler une mouche, 8
A peine s'il respirait l'air. 8
‒ Qu'on emplisse de fiel sa bouche, 8
20 Et qu'on lui tenaille la chair. 8
Tremble qu'Allah ne se courrouce ; 8
A la Mecque il allait souvent. 8
‒ Qu'on l'écorche de façon douce, 8
Pour le garder longtemps vivant. 8
25 Ses prédictions toujours vraies 8
Lui valaient un culte public. 8
‒ Qu'on verse du plomb sur ses plaies, 8
Qu'on glisse en son cœur un aspic. 8
Accorde du moins qu'on l'enterre 8
30 Au champ des morts, avec les siens. 8
‒ Je veux, de par mon cimeterre, 8
Qu'on jette son cadavre aux chiens. 8
Bourreau dont le ciel se retire, 8
Que t'a fait cet homme divin ? 8
35 ‒ Il disait vouloir le martyre. 8
Je n'aime pas qu'on parle en vain. 8
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