Métrique en Ligne
REN_2/REN102
Armand RENAUD
Poésies
1860-1880
LES NUITS PERSANES
FLEUR DE SANG
Combat singulier
J 'AVAIS une armure dorée, 8
J'avais un sabre d'acier clair, 8
J'avais une hache entourée 8
De diamants lançant l'éclair. 8
5 Et le divin ami des Perses, 8
Le soleil, recouvrait encor 8
Toutes ces lumières diverses 8
De sa grande lumière d'or. 8
Des troupes me suivaient, sans nombre, 8
10 En tous lieux ayant fait la loi, 8
Quand j'aperçus un homme sombre 8
Arrivant en face de moi. 8
Il avait de même une armée, 8
De même il arrivait vainqueur ; 8
15 Il connaissait ma renommée, 8
Je savais l'orgueil de son cœur. 8
Nous n'avions pas de faibles âmes 8
A souffrir sur terre un rival ; 8
L'un sur l'autre nous nous lançâmes, 8
20 Seuls, entre nos camps, à cheval. 8
Brunes étaient toutes ses armes, 8
Il portait un panache noir ; 8
Aux esprits de la nuit des charmes 8
Avaient relié son pouvoir. 8
25 Tout un jour dura la bataille ; 8
Nous n'étions jamais triomphants. 8
A notre bruit, à notre taille, 8
On eût dit des chocs d'éléphants. 8
Prenant leur part de notre peine, 8
30 Intelligents, cabrés, ardents, 8
Mon cheval blanc, le sien d'ébène 8
S'entre-déchiraient de leurs dents. 8
A la fin de notre journée, 8
Les chevaux étaient morts, et nous, 8
35 La peau par le fer sillonnée, 8
Nous nous traînions sur les genoux, 8
Sur la terre de sang trempée 8
A peine pouvant remuer, 8
De nos derniers tronçons d'épée 8
40 Nous nous cherchions pour nous tuer. 8
Le jour mourant livrait carrière 8
Au noir monde artificieux, 8
Quand son dernier jet de lumière 8
De mon rival frappa les yeux. 8
45 Cela me donna la victoire. 8
Pendant qu'il fermait son regard, 8
Selon ma tâche obligatoire, 8
Je l'achevai de mon poignard, 8
Lui disant : « Frère, meurs sans haine, 8
50 Comme je serais mort sans fiel ; 8
Le destin des êtres s'enchaîne 8
A la rotation du ciel. » 8
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