Métrique en Ligne
REN_1/REN31
Armand RENAUD
Recueil intime
1881
III
Ténèbres intérieures
OH ! dans un cœur muet concentrer un désir ! 12
On a chassé de soi les choses du plaisir, 12
Et l’on vit, se masquant de froideur ironique, 12
Mais serrant après soi l’invisible tunique 12
5 Dont on frissonne, ainsi qu’au toucher des fers chauds. 12
Ivresse de cacher ses espoirs les plus hauts ! 12
La curiosité venimeuse qui guette, 12
Ne sait où vous frapper, va plus loin, et se jette 12
Sur la banalité des cœurs bruyants. Soudain 12
10 La vision d’amour, si longtemps songe vain, 12
A qui jamais votre âme, en sa souffrance fière, 12
Ne voulut adresser ni plainte, ni prière, 12
Voilà que dans votre ombre elle entre, et, plusieurs fois, 12
Cherche à vous attirer doucement de la voix. 12
15 Vous devriez courir vers elle ! non ! votre âme, 12
Étouffant son aveu, cachant plus fort sa flamme, 12
Se refuse au bonheur, trouve une volupté 12
A créer, de soi-même, et pour l’éternité, 12
Son désespoir. Le rêve à la clarté remonte. 12
20 Et dès qu’il n’est plus là, que seul, n’ayant plus honte, 12
Sans témoin vous pouvez aimer, vous vous serrez 12
La poitrine à deux mains, et vous la déchirez. 12
Et sachant que le mal doit être irréparable, 12
D’autant plus consumé d’un feu plus misérable, 12
25 Vous restez, à jamais bercé par le seul bruit 12
Du sang de votre cœur qui tombe dans la nuit. 12
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