Métrique en Ligne
REN_1/REN25
Armand RENAUD
Recueil intime
1881
II
Ironie
Si vous êtes de cette race 8
Qui, s’indignant de voir le mal, 8
Des gens affamés s’embarrasse 8
Et craint de battre un animal, 8
5 De cette race ridicule 8
Qui ne veut aimer que le beau, 8
Et, loin du monde qui calcule, 8
Prend le rêve pour son flambeau ; 8
Si vous n’adorez point la force, 8
10 Si la pensée est votre Dieu, 8
Si vous vous prenez à l’amorce 8
D’un noble but et d’un ciel bleu, 8
Si la trahison hypocrite 8
De l’amour ou de l’amitié 8
15 Vous semble étrange et vous irrite, 8
Vraiment vous me faites pitié. 8
Pour l’être brutal qui se vautre 8
La terre a des jeux et des fleurs ; 8
Mais des âmes comme la vôtre 8
20 N’y font moisson que de douleurs. 8
Au moins cachez bien vos blessures ; 8
Taisez-vous lorsque vous souffrez ; 8
Les hommes ont des fanges sûres 8
Pour en salir les inspirés. 8
25 Leurs allégresses les plus vraies 8
Sont de diriger avec art 8
Des coups d’épingle dans les plaies 8
Dont l’idéal fut le poignard. 8
Ils vous ôteraient à vous-même 8
30 La croyance qui vous sauvait, 8
Vous n’entendriez que blasphème 8
Et que rire à votre chevet ; 8
Et l’âme qui fut saluée 8
Par les aigles, sur les hauteurs, 8
35 Mourrait d’une ignoble huée, 8
Dans les bas-fonds des insulteurs. 8
Moi qui crains surtout qu’on ne traîne 8
Au ruisseau ma chère douleur, 8
Qui veux bien subir la sirène, 8
40 Mais non le stupide oiseleur ; 8
Pour les autres, je mets un voile 8
Que rien ne puisse pénétrer ; 8
Jamais une larme n’étoile 8
Mes cils souvent prêts et ; pleurer ; 8
45 Et quand mon âme est un calvaire, 8
Quand j’ai le cœur sur un brasier, 8
Comme eux je fais sonner mon verre 8
Et je fais rire mon gosier. 8
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