Métrique en Ligne
REG_2/REG77
Henri de RÉGNIER
LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS
1897
ARÉTHUSE
FLÛTES D’AVRIL ET DE SEPTEMBRE
Déjanire
J’ai bu le vin sanglant aux outres de l’automne 12
Et j’ai cru le ciel clair encore et l’heure bonne, 12
Toute de solitude et toute de forêt, 12
Et ma joie en dansant s’esquive et disparaît, 12
5 Entraînant par la main mon Avril, et mon Ombre 12
Les a suivis vers les arbres du passé sombre 12
D’où je les entends rire ainsi que j’avais ri, 12
Jadis, quand près de toi mon amour a fleuri 12
Aux roses que cueillait le geste de ta grâce 12
10 Souriante et maligne à feindre d’être lasse 12
Pour que le bois durât à nos pas jusqu’au soir. 12
Printemps perdus ! l’automne a mêlé ses boucs noirs 12
Aux plus blanches brebis de nos douces pensées ; 12
Les Satyres ont ri de nos mains enlacées. 12
15 Et les feuilles tombaient quand mûrirent les fruits, 12
Et le vent emporta nos paroles, et puis 12
Nous allâmes, sans plus nous parler, côte à côte, 12
Devenus tout à coup étrangers l’un à l’autre, 12
Et quand le bois finit enfin, ce fut la Mer ! 12
20 Et j’écoutais, du fond de l’horizon désert, 12
Debout et les pieds nus lavés d’écumes vaines, 12
Le chant intérieur des antiques Sirènes ; 12
Tandis que toi, silencieuse, ô Déjanire, 12
Regardais, par-dessus l’épaule, sans rien dire, 12
25 Galopant sur la grève et s’ébrouant aux flots 12
Qui mouillaient leurs poitrails et fouaillaient leurs galops, 12
Sur le sable marin et les galets sonores, 12
Ruer la Centauresse et hennir les Centaures. 12
logo du CRISCO logo de l'université