Métrique en Ligne
REG_2/REG151
Henri de RÉGNIER
LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS
1897
LES ROSEAUX DE LA FLÛTE
Le grand Cheval ailé dormait dans l’ombre bleue. 12
Parfois, il caressait les herbes, de sa queue 12
Éparse, et je touchai, lentement, en silence, 12
Sa croupe nue avec la pointe de ma lance. 12
5 Et le monstre couché se leva et hennit 12
Vers l’orient ; et je l’enfourchai et lui dis : 12
Viens, c’est l’aube déjà et bientôt c’est l’aurore ; 12
Je sais le sentier calme et la route sonore 12
Où cède l’herbe longue et roule le caillou ; 12
10 Partons, Le clair soleil séchera ton poil roux ; 12
Je sais la grève, et les chemins, et le bois noir 12
Et la fontaine fraîche où nous boirons le soir 12
Et le palais où dans une auge de sardoine 12
S’amoncellent pour toi l’orge blonde et l’avoine. 12
15 Et nous sommes partis, Pégase ! mais depuis, 12
Groupe d’or le matin et bloc d’ombre la nuit. 12
Obstinés à jamais devant la haute porte 12
Fermée au pied divin comme a Méduse morte, 12
En face du ventail d’airain rude et de fer. 12
20 De ma lance d’argent et de mon poing de chair 12
Je tâche d’ébranler les gonds et les verrous, 12
Tandis que Toi, saignant du poitrail aux genoux, 12
T’acharnes du sabot à rompre le battant 12
Et de l’aube à la nuit, furieux, dans le vent, 12
25 Agites, tour à tour, sombres ou embrasées, 12
Les plumes d’ombre et d’or de tes ailes brisées ! 12
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