Métrique en Ligne
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Henri de RÉGNIER
La Cité des eaux
1902
ODE ET POÉSIES
ODE
O vous que j'ai aimée aux jours de ma jeunesse 12
D'un sombre amour, 4
O Forêt, vous étiez la sœur de ma tristesse 12
Et son séjour ! 4
5 Lorsque le renouveau de vos feuilles naissantes 12
Chantait au vent, 4
Que l'Automne parait vos cimes bruissantes 12
D'un or mouvant, 4
Quand, fraîche d'espérance et lourde encor de gloire, 12
10 Votre beauté 4
Paraissait tour à tour l'annonce ou la mémoire, 12
De votre Été, 4
Au lieu d'unir mon cœur à votre âme profonde 12
Mêlée en lui, 4
15 Je vous portais mes pleurs et ma peine inféconde 12
Et mon ennui. 4
Je ne respirais pas votre odeur saine et forte, 12
A plein poumon ; 4
Il me semblait partout traîner des feuilles mortes 12
20 A mon talon. 4
Vous étiez patiente au bruit sous la ramée 12
De mon pas lourd ; 4
Pardon de vous avoir, ô ma Forêt, aimée 12
D'un sombre amour ! 4
25 Ce n'est plus celui-là maintenant que j'éprouve, 12
Ce n'est plus lui, 4
Et, lorsque dans votre ombre encor je me retrouve, 12
Comme aujourd'hui, 4
Je sens votre vigueur, vos baumes et vos forces 12
30 Entrer en moi, 4
Et le Dieu qui l'habite entr'ouvre votre écorce 12
Avec son doigt. 4
Comme vous, chêne dur, je garde dans la terre 12
Qui la nourrit 4
35 Ma racine secrète, obscure et nécessaire ; 12
Mais mon esprit, 4
Au-dessus de mon corps qui pousse son tronc rude, 12
Balance au vent 4
Sa ramure déjà que l'automne dénude… 12
40 Arbre vivant, 4
Qu'importe que le temps ou l'hiver ou la hache, 12
Par son milieu, 4
L'attaque, si déjà sous l'écorce se cache, 12
En l'homme, un Dieu ! 4
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