Métrique en Ligne
REG_1/REG32
Henri de RÉGNIER
La Cité des eaux
1902
LE SANG DE MARSYAS
MARSYAS PARLE
Tant pis ! Si j'ai vaincu le Dieu. Il l'a voulu ! 12
Salut, terre où longtemps Marsyas a vécu, 12
Et vous, bois paternels, et vous, ô jeunes eaux, 12
Près de qui je cueillais la tige du roseau 12
5 Où mon haleine tremble, pleure, s'enfle ou court, 12
Forte ou paisible, aiguë ou rauque, tour à tour, 12
Telle un sanglot de source ou le bruit du feuillage ! 12
Vous ne reverrez plus se pencher mon visage 12
Sur votre onde limpide ou se lever mes jeux 12
10 Vers la cime au ciel pur de l'arbre harmonieux : 12
Car le Dieu redoutable a puni le Satyre. 12
Ma peau velue et douce, au fer qui la déchire, 12
Va saigner ; Marsyas mourra, mais c'est en vain 12
Que l'Envieux céleste et le Rival divin 12
15 Essaiera sur ma flûte inutile à ses doigts 12
De retrouver mon souffle et d'apprendre ma voix ; 12
Et maintenant liez mon corps et, nu, qu'il sorte 12
De sa peau écorchée et vide, car, qu'importe 12
Que Marsyas soit mort, puisqu'il sera vivant 12
20 Si le pin rouge et vert chante encor dans le vent ! 12
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