Métrique en Ligne
QUI_1/QUI9
Pierre QUILLARD
La lyre héroïque et dolente
1897
DE SABLE ET D'OR
LES VAINES IMAGES
PSYCHÉ
Petite âme, Psyché mélancolique, dors, 12
Lys d'aurore surgi des heures ténébreuses, 12
Tes bras souples et frais et tes lèvres heureuses 12
Ont rajeuni mon cœur et réjoui mon corps. 12
5 Et tu m'as cru, petite âme blanche et farouche, 12
Tel que ton désir vierge encore me voulait 12
Pendant tes longs baisers de miel pur et de lait, 12
Tant que l'ombre a menti comme mentait ma bouche. 12
Nulle parole et nulle étreinte et nul baiser 12
10 N'ont trahi la douleur secrète du cilice ; 12
Mais éveillée avec l'aube révélatrice 12
Tu frémissais, Psyché fragile, à te briser, 12
Si le jour désillant ta paupière sereine 12
Au lieu du doux vainqueur que rêvait ton émoi 12
15 Te décelait mes poings crispés même vers toi 12
Et mes yeux éperdus de colère et de haine ; 12
Car je te hais de tout ton amour, ô Psyché, 12
Pour les jours à venir et les futures heures 12
Et les perfides flots de larmes et de leurres 12
20 Qui jailliront un jour de ton être caché. 12
Mais avant que la nuit divine m'abandonne, 12
Avec le dur métal des gouffres sidéraux 12
Je forgerai le masque amoureux d'un héros, 12
Rieur comme l'Avril, grave comme l'automne ; 12
25 Mort vivant sur les lèvres mortes d'un vivant, 12
Le masque couvrira ma face convulsée ; 12
Et maintenant que l'aube éclate ! O fiancée 12
Chez qui la femme, hélas ! va survivre à l'enfant. 12
Éveille-toi, rouvre ta bouche qui s'est tue, 12
30 Tu n'entendras de moi que paroles d'orgueil 12
Et je me dresse sous les morsures du deuil 12
Lauré d'or et pareil à ma propre statue. 12
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