Métrique en Ligne
QUI_1/QUI27
Pierre QUILLARD
La lyre héroïque et dolente
1897
LA GLOIRE DU VERBE
LES MYTHES
LES YEUX D'HÉLÈNE
A Marcel Proust.
Qualis maternis Hélène jam digna palestris,
Inter amyclaeos reptabat candida fratres.
(P. Statius.)
La native blancheur du cygne paternel. 12
Vêt de neige le corps adorable d'Hélène, 12
Et l'eau du fleuve bleu qui glisse dans la plaine 12
Baigne ses yeux d'enfant profonds comme le ciel. 12
5 Elle va : ses regards de déesse ingénue 12
Que jamais la tristesse impure n'a troublés 12
Errent nonchalamment sur les flots blonds des blés, 12
Et les hommes pensifs tremblent à sa venue. 12
Elle évoque l'horreur future des destins 12
10 Et verse le frisson des luttes fatidiques 12
Aux guerriers à venir assis sous les portiques, 12
Dont les yeux éblouis suivent ses pas lointains. 12
L'effroi religieux issu de ses prunelles 12
Ardentes d'incendie et de fauves clartés 12
15 Saisit étrangement les cœurs épouvantés 12
Et pleins de visions sombres et solennelles. 12
Passe, vierge terrible au col souple et nerveux : 12
L'inexpiable sang pour les siècles macule 12
Ton front clair comme un jour d'été sans crépuscule 12
20 Et la mort des héros surgit de tes cheveux. 12
Passe, reine d'amour, semeuse de désastres, 12
Dans ta robe de gloire et de sérénité, 12
Et vois fleurir les deuils autour de ta beauté, 12
Sous tes regards pareils aux rayons froids des astres. 12
25 Tu brilles dans la nuit des âges révolus 12
Et les derniers amants des formes triomphales 12
Contemplent au delà de l'ombre et des rafales 12
Tes yeux dont la splendeur ne s'abolira plus. 12
logo du CRISCO logo de l'université