Métrique en Ligne
QUI_1/QUI18
Pierre QUILLARD
La lyre héroïque et dolente
1897
DE SABLE ET D'OR
VERS L'AURORE
LE CHÈVRE-PIEDS
Sous cette roche en pleurs où dort la femme nue, 12
Nuage d'aube éparse en la menteuse nuit, 12
Le chèvre-pieds regarde à travers l'eau qui flue 12
Les lointaines maisons de labeur et de bruit. 12
5 Les tristes paysans se penchent vers la glèbe 12
Pour un baiser de serfs et de jaloux amants 12
Dont la bouche haineuse évoque de l'Érèbe 12
L'or futur des épis et des riches froments. 12
Avares de moissons qui fatiguent les granges, 12
10 Ils méprisent l'aurore et les soleils couchants 12
Et leur oreille est close aux paroles étranges 12
Qui montent des taillis, des sources et des champs ; 12
Et la charrue, avec les jours et les années, 12
Impitoyable au deuil des bois mystérieux 12
15 Offense la beauté des forêts profanées 12
Où rôdaient librement les fauves et les dieux. 12
Mais le sylvain survit à la sylve abattue ; 12
Dans l'antre encor voilé de feuillage, sa chair 12
Immortelle, à travers les siècles, perpétue 12
20 Le grand frisson d'amour qui fait tressaillir l'air ; 12
Et dans les flancs d'une passante solitaire 12
Il sème au chant des eaux et des rameaux flottants 12
Des fils aventureux affranchis de la terre 12
En qui bout la jeunesse héroïque des temps. 12
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