Métrique en Ligne
PRU_2/PRU90
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Solitudes
1867
CORPS ET ÂMES
Heureuses les lèvres de chair ! 8
Leurs baisers se peuvent répondre ; 8
Et les poitrines pleines d'air ! 8
Leurs soupirs se peuvent confondre. 8
5 Heureux les cœurs, les cœurs de sang ! 8
Leurs battements peuvent s'entendre ; 8
Et les bras ! Ils peuvent se tendre, 8
Se posséder en s'enlaçant. 8
Heureux aussi les doigts ! Ils touchent ; 8
10 Les yeux ! Ils voient. Heureux les corps ! 8
Ils ont la paix quand ils se couchent, 8
Et le néant quand ils sont morts. 8
Mais, oh ! Bien à plaindre les âmes ! 8
Elles ne se touchent jamais : 8
15 Elles ressemblent à des flammes 8
Ardentes sous un verre épais. 8
De leurs prisons mal transparentes 8
Ces flammes ont beau s'appeler, 8
Elles se sentent bien parentes, 8
20 Mais ne peuvent pas se mêler. 8
On dit qu'elles sont immortelles ; 8
Ah ! Mieux leur vaudrait vivre un jour, 8
Mais s'unir enfin ! … dussent-elles 8
S'éteindre en épuisant l'amour ! 8
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