Métrique en Ligne
PRU_2/PRU89
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Solitudes
1867
MIDI AU VILLAGE
Nul troupeau n'erre ni ne broute ; 8
Le berger s'allonge à l'écart ; 8
La poussière dort sur la route, 8
Le charretier sur le brancard. 8
5 Le forgeron dort dans la forge ; 8
Le maçon s'étend sur un banc ; 8
Le boucher ronfle à pleine gorge, 8
Les bras rouges encor de sang. 8
La guêpe rôde au bord des jattes ; 8
10 Les ramiers couvrent les pignons ; 8
Et, la gueule entre les deux pattes, 8
Le dogue a des rêves grognons. 8
Les lavandières babillardes 8
Se taisent. Non loin du lavoir, 8
15 En plein azur, sèchent les hardes 8
D'une blancheur blessante à voir. 8
La férule à peine surveille 8
Les écoliers inattentifs ; 8
Le murmure épars d'une abeille 8
20 Se mêle aux alphabets plaintifs… 8
Un vent chaud traîne ses écharpes 8
Sur les grands blés lourds de sommeil, 8
Et les mouches se font des harpes 8
Avec des rayons de soleil. 8
25 Immobiles devant les portes 8
Sur la pierre des seuils étroits, 8
Les aïeules semblent des mortes 8
Avec leurs quenouilles aux doigts. 8
C'est alors que de la fenêtre 8
30 S'entendent, tout en parlant bas, 8
Plus libres qu'à minuit peut-être, 8
Les amants, qui ne dorment pas. 8
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